74e Conférence annuelle de
l'Association humaniste américaine
Sarah Haider :
l'Islam et la nécessité d'une critique libérale
Bonjour tout le monde et bienvenue pour
le prochain exposé qui s'intitule :
« l'Islam et la nécessité
d'une critique libérale »
J'aimerais accueillir Sarah Haider,
cofondatrice de
l'association des ex-musulmans
d'Amérique du nord.
Veuillez souhaiter avec moi
la bienvenue à Sarah.
(applaudissements)
Bonjour à tous.
Je m'appelle Sarah. Pendant les deux
années écoulées, j'ai travaillé à
la création d'une association pour
les ex-musulmans non-théistes,
ceux qui autrefois se sont identifiés à
l'Islam et qui aujourd'hui
se qualifient d'athées, d'agnostiques
ou de déistes ;
et l'association se nomme :
« Les ex-musulmans d'Amérique du nord ».
C'est une association relativement jeune
mais qui se développe rapidement
et nous trouvons des communautés
d'anciens musulmans
dans plus de cinquante villes.
Comme vous vous en doutez, il est
particulièrement difficile pour
les ex-musulmans, de rencontrer
d'autres anciens musulmans.
Essayer de construire une relation d'amitié
avec des gens qui sont souvent
très tourmentés et qui culpabilisent
est extrêmement difficile.
Et tout d'abord, comment rencontrer
des personnes qui font délibérément
leur possible pour ne pas être
découvertes ?
L'association s'efforce d'apporter de
l'aide à ceux qui en ont le plus besoin,
pour qu'il parviennent à se libérer
des entraves de la religion,
pour qu'ils redeviennent eux-mêmes,
pour qu'ils partagent avec d'autres
leurs expériences douloureuses
et par dessus tout, pour qu'ils
surmontent la situation.
Mes compagnons et moi-même
sommes dans une situation inédite :
nous sommes en relation étroite avec un
nombre d'anciens musulmans détachés de Dieu
d'une importance probablement
sans égale dans le monde.
J'ai entendu des milliers d'histoires
racontées par des centaines de personnes,
et qui parlaient de leur expérience
de l'Islam.
Peu nombreux sont ceux qui ont pu
abandonner la foi sans conséquences graves.
Leurs relations avec leur famille,
leurs amis ou leurs communautés
sont restées intactes.
Mais pour la plupart,
ce ne fut pas le cas.
Au cours de nos déplacements,
nous avons constaté des tensions extrêmes.
Pour certains, le prix à payer
était social :
la perte de leur famille
ou de leurs relations.
D'autres ont risqué d'y laisser
leur santé, physique et mentale,
soit parce qu'ils ont été enfermés
dans des établissements psychiatriques,
soit parce qu'ils ont subi
des violences physiques
de la part de tous
les membres de leur famille.
Les anciens musulmans, sans doute
plus qu'aucune autre catégorie,
sont intimement familiers des problèmes
ancrés dans la communauté musulmane
qui sont inhérents aux
prescriptions de l'islam.
Comme nous sommes pour la plupart,
à la fois des gens de couleur
et des immigrés de la première
ou de la deuxième génération,
nous sommes doublement touchés :
d'abord par la haine et la violence
des musulmans,
mais aussi plus généralement par
la bigoterie et la xénophobie
de la population américaine.
Malgré tout ça, mon expérience
des deux années écoulées
m'a rendue méfiante lorsqu'il s'agit
de m'adresser à un public,
même à un public comme celui-ci.
Je ne me suis jamais attendue à être
bien reçue par une assemblée musulmane,
mais je n'aurais jamais imaginé
subir une telle hostilité
de la part de mes alliés de gauche.
Par exemple, j'ai d'abord rédigé article
qui mettait à l'épreuve des faits
les affirmations de Reza Aslan,
un universitaire musulman reconnu.
Il renvoie la question
des mutilations génitales féminines
à un problème africain uniquement :
cela ne concerne pas les musulmans.
Beaucoup de gens m'ont répondu,
scandalisés par mes écrits.
La plupart voulaient connaître
mes intentions
au lieu de discuter mes affirmations.
À ma grande surprise, la majorité des
critiques ne venaient pas de musulmans,
mais de gens se disant sociaux-démocrates
et parfois même athées.
Certains me prêtaient de sombres
« arrière-pensées » et d'autres affirmaient
qu'en tant qu'ancienne musulmane,
je ne pouvais pas être objective.
Rappelez-vous que c'était
une vérification des faits.
Il me semble qu'il aurait été facile
des vérifier mes affirmations.
Une vérification de la vérification,
pour ainsi dire.
Au lieu de ça, les musulmans et des gens
de gauche ont préféré
jeter le discrédit sur ma personne
et mes intentions.
Ceux qui dénoncent l'autoritarisme
du christianisme, trouverons
des sociaux-démocrates,
religieux ou non, à leurs côtés
pour les aider dans le combat
pour exclure la morale religieuse
de la politique et de l'organisation
de la vie publique
Même les sociaux-démocrates religieux
regardent parfois avec dégoût
la présence en politique
de la droite religieuse,
et certains s'associent à des laïcs
pour les éloigner de la politique.
Par exemple, le dirigeant
de l'union des Américains
pour la séparation de l'Église
et de l'État
est un pasteur.
Les athées et les laïcs
peuvent être sûrs
de trouver à leurs côtés leurs alliés
de la gauche sociale-démocrate
lorsqu'il faut combattre
les chrétiens d'extrême droite.
C'est logique : les sociaux-démocrates
partagent peu les valeurs communes
à la droite religieuse.
Mais si on rapporte cet examen à l'Islam,
certaines personnes de gauche vont
inexplicablement s'aligner plutôt
sur les position de la
droite religieuse islamique.
Les communautés laïque et athée
forment une exception cohérente.
Lorsque des phares
du mouvement des incroyants
tels que Harris et Dawkins
parlent des horreurs de la chrétienté
et écrivent des livres qui la condamnent,
on les félicite,
leurs travaux sont célébrés et
on les invite à des conférences.
Mais s'ils portent
le même regard critique
sur la religion de ma famille,
on leur dit d'arrêter
ce discours agressif,
de s'abstenir de toute critique
envers la même forme d'opression
qu'ils avaient critiquée
par le passé.
On ostracise instinctivement
tous ceux qui
font des remarques négatives sur l'Islam.
On les étiquette de telle manière
qu'il est presque sûr que
la plupart des gens de gauche ne sauront
jamais ce qu'ils avaient à dire.
Pour dénigrer mes affirmations,
les gens ont d'abord procédé comme ceci :
– puisque avec ma peau marron, on peut
facilement me soupçonner de bigoterie –
je dois être pour la guerre,
ou plus largement, je dois partager
certaines idées de l'extrême droite.
Ceci n'est pas vrai.
Parfois on me traite d'« Oncle Tom »
ou d'« Arabe de service ».
Une autre expression pour mépriser
les ex-musulmans,
et les autres critiques de l'Islam
à la peau marron
est : « informateur indigène. »
Je voyais cette expression
pour la première fois.
Je ne détaillerai pas ici les raisons
pour lesquelles
je trouve particulièrement répugnante
cette forme de dénomination
qui laisse à penser que nous avons subi
un lavage de cerveau
ou que nous trahissons notre espèce.
S'il est compréhensible que
Myriam François, une blanche
convertie à l'islam, nous appelle des
« informateurs indigènes, »
je ne m'explique pas comment une
expression aussi ouvertement raciste
a pu être utilisée par
le journaliste Max Blumenthal
dans un article à charge contre
Ayaan Hirsi Ali,
pour discréditer sa présence
dans ce débat.
Je me demande si Blumenthal
se sentirait autorisé
à utiliser cette expression raciste contre
contre des dissidents anticléricaux
afro-américains ou contre
n'importe quelle autre minorité.
Bill Maher est décrit,
à la fois par la gauche et par la droite,
comme un bigot.
Bill Maher a évoqué dans son émission
le fort taux de soutien
à la peine de mort pour les athées
dans la communauté musulmane.
En réponse, Dean Obeidallah,
qui est un humoriste, un auteur et
un musulman progressiste,
a défendu les pays musulmans
en montrant les erreurs
contenues dans les statistiques
qu'utilisait Maher.
Voici ce qu'il a dit
sur CNN,
je cite : « un sondage PEW de 2013
a montré que
64 % seulement des Égyptiens
approuvent cela, »
– cela faisait référence à la peine
de mort pour les athées –
« cela reste dangereusement élevé,
mais ça n'est pas 90 %,
et 13 nations musulmanes seulement
punissent l'apostasie,
alors que 34 nations ne le font pas. »
Pensez-vous raisonnablement qu'on
publierait ce type de sondage,
s'il concernait une autre minorité,
en essayant sincèrement d'en
minimiser l'horreur ?
Qu'en serait-il si :
« 64 % seulement des Américains,
soutiennent la peine de mort pour
les convertis à l'islam ? »
– les musulmans ne le prendraient
pas si mal –
« 64 % seulement des citoyens français
soutiennent la peine de morts
pour les immigrés algériens »
ou bien : « 64 % seulement des Américains
soutiennent la peine de mort
pour les homosexuels. »
À quel point la situation
est-elle mauvaise ?
À quel point les droits humains
sont-ils bafoués ?
Et que vaut la vie d'un être humain
lorsque 64 % est présenté comme
une statistique rassurante ?
Si par exemple un bon tiers des pays
occidentaux avait
légalisé le meurtre des musulmans,
à quel point serions nous horrifiés ?
Quelle serait la réaction de la gauche ?
En tant qu'ex musulmane, je trouve
terrifiant qu'on ait publié ça,
sur le site d'un média
d'actualités majeur,
et sans qu'une seule voix
ne s'élève pour protester.
Pourquoi ma vie vaut-elle moins ?
Le simple fait d'avoir d'être élevé
dans la tradition islamique
donne-t-il aux religieux islamiques des
droits sur ma personne et sur mon corps ?
Est-ce une autorisation de me tuer,
ou de tuer mes compagnons athées ?